LES SEPT SENS : Le goût

Publié le par Lucrezia

Baudelaire buvait, sur les lèvres de sa bien-aimée, « un vin de Bohème amer et vainqueur ».  Tout est dit.  Une vie sans goût ?  Comment l’imaginer ?  Chaque moment du quotidien a une saveur, à tel point que l’on parle de goûter la douceur d’un instant, de goûter le repos ou, mieux encore, de goûter à la liberté.  On dit d’un dépressif qu’il n’a plus goût à rien et que sa vie lui paraît fade.  Ce sens du goût, autant que celui de l’odorat, colore la vie et lui donne du relief.  Je les évoque ensemble, car je sais qu’ils sont inséparables.  La perte de l’un s’accompagne inéluctablement de la disparition de l’autre.  Quelle tragédie !  Se trouver dans un bon restaurant face à une assiette qui n’enchante que notre vue.  Tremper ses lèvres dans un pur nectar et n’y trouver que le goût de l’eau.  Aspirer l’air du temps et n’avaler que du vide.

 

Ce n’est pas un hasard, dans l’ancienne tradition, le goût est rattaché à l’air.  L’air est la condition absolue de notre survie.  Sans lui, nous pouvons mourir en moins de trois minutes.  Le goût sera, lui aussi, essentiel, permettant de différencier ce qui est bon pour nous de ce qui est mauvais, nous incitant à en vouloir encore ou à renoncer.  Il est la clé miraculeuse pour goûter les plaisirs de la vie.

 

J’ignorerai à jamais quel goût peut avoir la vie aux côtés de Julien.  Sans doute une saveur de soleil, un bouquet de plénitude.  Je ne saurai jamais rien du goût de sa peau au réveil, ni de celui de ses lèvres après une gorgée de vin.  Je voudrais me soûler du goût de ses baisers, mais le destin tient mes lèvres bâillonnées, me condamnant à n’éprouver que le goût amer des regrets.

 

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