LES SEPT SENS : La vue

Publié le par Lucrezia

Le sujet du jour étant assez long, je me propose de le découper en tranches, comme un feuilleton dont vous aurez un épisode tous les jours, une espèce de « Plus belle la vie » à un seul personnage.  Installez-vous confortablement, nous voici parties pour un voyage d’exploration de l’univers sensoriel de l’être humain.

 

Sept sens ?  J’ai toujours pensé que nous n’en avions que cinq.  Et bien non, dans les temps anciens, on enseignait qu’il existait sept sens.  Il faut savoir que le chiffre 7 est le nombre de l’initiation et que son choix ne dérive pas du hasard.  Ces sens sont la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût, le toucher, l’intelligence et la parole.  Sans eux, aucune perception du monde n’est possible, aucun apprentissage, aucune structuration du savoir.  Sans eux, nous serions des amibes stupides, sourdes, aveugles, insensibles et muettes.  Sans eux, je ne connaîtrais rien de Julien.

 

Il n’en reste pas moins que l’approche sensitive (par le biais des cinq sens habituellement reconnus) est un mode non rationnel de connaissance.  La perception immédiate ne prend pas le temps de réfléchir, n’élabore pas de théories, elle saisit l’instant et le transmet au corps.  J’aurais tendance à dire : « Tant mieux ! ».  Nos sensations sont précieuses, nous trompent rarement et dès lors, mériteraient que nous leur accordions davantage de confiance.  Je pense qu’un chanteur comme Julien ne procède pas autrement lorsqu’il investit une chanson.  Certes, je suis persuadée qu’il raisonne au sujet du texte et de la musique, mais je ressens au travers de son interprétation la façon toute sensitive d’approcher la vérité de l’être.  La meilleure preuve en est peut-être la relecture douloureuse et inspirée de « Moi Lolita » chez Fogiel (décidément, elle m’a marquée celle-là !).

 

La vue

 

Le plus important des sens ?  Peut-être.  Que serions-nous sans la vue ?  Ayons une pensée pleine de compassion pour les aveugles qui perdent une part du monde, une part merveilleuse.  La nature nous réserve des spectacles inouïs et si nombreux qu’il serait vain de vouloir les énumérer.  Songeons un instant aux subtiles couleurs du ciel, aux flamboyants couchers de soleil, à la mer sans cesse renouvelée, aux blés dorés dans la campagne verdoyante, aux paysages montueux de Toscane, au vol des oiseaux, à la délicatesse des fleurs, au ballet des poissons.  La nature est une grande magicienne.

 

Elle a cependant des émules, des relayeurs de beauté, des créateurs d’imaginaire : les artistes.  Notre vue nous permet de contempler les chefs-d’œuvre de la peinture, de la statuaire, de l’architecture, du cinéma.  Nos yeux, trésor précieux, nous servent aussi à accomplir cette méditation solitaire et cette communion spirituelle qu’est la lecture.  Entendre un texte ou une poésie n’équivaut pas à s’y plonger silencieusement par le biais de la page imprimée.  La voix apparaît comme un intermédiaire importun qui perturbe le lien privilégié entre l’auteur et le lecteur.  Voir les lettres s’animer sur le papier blanc et engendrer des univers : quel privilège !

 

Dans l’ancienne tradition, la vue est rattachée à la brume.  Pourquoi ?, me suis-je demandée, cela me semblait peu pertinent.  Peut-être parce que la vue est ce qui permet d’aller au-delà des brumes de l’esprit et de les dissiper.  Un simple regard suffit parfois pour découvrir une sympathie, une tristesse, une colère, une peur chez cet autre qui nous fait face.  Nos yeux sont d’excellents psychanalystes, nous pouvons nous fier à eux.  Ils caressent la surface des êtres, mais peuvent pénétrer au-delà, scruter des profondeurs qu’on voudrait leur cacher.  Ils savent lire dans les âmes.

 

Ce que mes yeux me racontent de Julien pourrait remplir une bibliothèque.  Ils éprouvent tant de plaisir à contempler son image.  Je connais par cœur le moindre de ses gestes, le plus petit grain de peau de son visage, la plus fugace de ses expressions.  Et au-delà ?  Au-delà de l’image se trouve l’être : beau, généreux, complexe, riche, créatif, intègre, courageux, idéaliste.  Mes yeux m’ont révélé d’éblouissants secrets.

 

J’éprouve pourtant un regret.  A toutes ces images sur papier et sur écran qui me sont livrées, il manque une chose essentielle : la troisième dimension.  Toutes ces représentations sont plates et ma vue cherche en vain l’épaisseur que, seule sa présence véritable peut offrir.  Une image qui devient chair, un rêve qui devient vérité.  Je le sais pour l’avoir vécue une fois, cette rencontre est bouleversante.

 

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